Download

8 | Secteur médias
syndicom | N° 4 | 28 mars 2014
NOUVELLE FORMATION EN COMMUNICATION VISUELLE
Ne dites plus « concepteur en multimédia »
mais « interactive media designer ! »
Une petite révolution secoue le milieu des arts visuels et graphiques. Après deux ans de travail intensif, une
nouvelle profession est née. Du métier de concepteur en multimédia, qui existe en Suisse romande depuis la fin des
années nonante, on passe à celui d’interactive media designer CFC. Les premières classes commenceront cet été.
(Ecole romande d’arts et communication), à Lausanne et très impliquée dans la mise en place de ce
nouveau CFC. Pierre Fantys, directeur de l’Eracom, nous a rejoints
durant l’entretien.
syndicom, le journal : En quoi
consiste cette nouvelle formation
d’interactive media designer ?
Michaela Varin : Les interactive
media designer (IMD) travaillent
avec les technologies numériques.
Ils utilisent les applications du
monde graphique et de l’image,
l’audiovisuel, l’animation graphique, vidéo et 3D, les logiciels
et langages permettant l’interactivité. Ils élaborent des stratégies de
communication. Cette formation
traite des médias web : Android,
écrans tactiles, smartphones,
tablettes. Mais si le concepteur
en multimédia traitait encore
les médias imprimés (le « print »),
l’IMD ne touchera plus le papier
mais s’occupera uniquement de
médias numériques. Il se distingue
ainsi des graphistes et polygraphes
qui, même s’ils ont des cours en
médias interactifs, s’occu­
pent
principalement de médias imprimés (voir graphique).
Comment les jeunes feront-ils leur
choix entre IMD et graphiste ?
C’est une question d’affinités avec
les médias. Lors des entretiens
d’embau­che dans le cadre des tests
d’admis­
sion, nous voyons clairement ceux qui sont branchés print,
graphisme, création d’identités,
branding et campagnes de communication. D’autres sont plutôt intéressés par les médias interactifs et
ont des affinités avec l’animation
ou le film. On a deux publics mais,
à l’école, on travaille beaucoup
ensemble. Il y a des projets entre
invitation aux entreprises
Séance de présentation IMD CFC à Lausanne
Dès l’été 2014, la formation d’interactive media designer CFC prendra le
relais de l’actuel concepteur en multimédia selon la nouvelle ordonnance
sur la formation. Pour vous présenter en détail tous les contenus en rapport
avec la nouvelle ordonnance sur la formation, Eracom invite les responsables de formation des entreprises intéressées par l’engagement
d’apprenti·e·s IMD à une séance de présentation:
Jeudi 3 avril 2014, 17 h 30 à 19 h 30, Eracom, salle 113, r. de Genève 55
Programme : Bref historique, Positionnement, Profil professionnel, Entreprise, Ecole professionnelle, Cours interentreprises, Procédures de qualification, SIMD – de quoi s’agit-il ? Discussion.
Intervenants : Membres de la commission de réforme et du groupe de travail, responsables des cours interentreprises et de l’école professionnelle.
Documentation : L’ordonnance sur la formation orfo, le plan de formation
et le guide méthodique peuvent être téléchargés sur www.simd.ch.
La participation à la manifestation est gratuite.
graphistes et concepteurs en multimédia (futurs IMD). Dans la réalité professionnelle, ils vont beaucoup collaborer.
Les IMD qui travaillent notamment
avec des bandes-annonces (trailer)
deviennent-ils des cinéastes ?
Non ! Ils travaillent certes sur des
spots et des présentations de produits. Mais cela reste un CFC. Toutefois nous sommes en train de
préparer une formation en école
supérieure, au niveau webdesign
et film, avec deux spécialisations.
Nous avons une collaboration avec
la salle de concerts des Docks par
exemple, avec des films qui présentent leur programmation. Les IMD
ont une formation son, vidéo et
animation. Ils sont un public très
recherché par des écoles comme
l’ECAL (Ecole cantonale d’art de
Lausanne).
Quelles sont les entreprises qui
enverraient des apprenti·e·s chez
vous ?
Ce sont entre autres des entreprises de production de films, des
agences web, des agences de communication, la Haute Ecole d’ingé­
nierie et de gestion du canton de
Vaud (HEIG-VD). Nous sommes
aussi en étroite collaboration avec
la RTS. Nous avons des entreprises
de stage qui accueillent déjà nos
élèves en conception multimédia
et qui pourraient proposer des
apprentissages en IMD. Nous faisons la promotion mais nous nous
appuyons également sur l’association SIMD pour promouvoir
ce métier. Une soirée d’information est du reste prévue le 3 avril
(voir encadré) à l’Eracom pour
les patrons potentiellement intéressés. Nous avons aussi beaucoup d’élèves en préapprentissage chez nous qui sont informés
sur cette possibilité de faire la formation ici en école ou dans le système dual.
Pourquoi avoir eu recours à un intitulé de la profession en anglais ?
Cela a été l’objet de longues discussions ! Au niveau international, cela est beaucoup plus compréhensible, déjà connu et facilite
l’échange. C’était aussi important
d’avoir le mot « designer » dans
l’intitulé. C’est vraiment ça. Ce
n’est pas qu’un métier technique.
C’est surtout un métier de tête : de
réflexion, d’analyse, de proposition, de hiérarchisation, de contenu et d’information. Pour tout cela,
il faut un ou une designer qui analyse et qui donne une forme adéquate à ces informations. La future
formation en école supérieure (ES)
va du reste s’appeler « Designer
diplomé·e ES en communication
visuelle ». Après le CFC d’IMD, on
peut donc continuer cette formation supérieure de deux ans.
La plupart vont donc se spécialiser
après le CFC ?
Tout à fait. Ils vont ensuite vers
le film, l’animation ou le web. Ils
iront dans une direction soit technique soit créative. Même celles et
ceux qui commencent à travailler
tout de suite choisissent une entreprise spécialisée dans un domaine.
Peu d’entre­pri­ses sont actives dans
tous les domaines que nous traitons dans cette formation.
Pour celles et ceux qui ont fait
l’ancienne­formation de concepteur
en multimédia, y aura-t-il des équivalences ?
Non. L’interactive media designer va simplement remplacer
l’ancienne dénomination, mais le
métier existe toujours bien sûr.
Ceux qui sont en cours de formation continuent avec le règlement
actuel. Il n’y a aucune dévalorisation du titre. Ce qui compte, c’est
quatre éCOLES ROMANDES
Les écoles romandes suivantes
donneront des cours pour l’obtention d’un CFC d’interactive
media designer : CIFOM (Centre
interrégional de formation des
Montagnes neuchâteloises) à La
Chaux-de-Fonds, CFPAA (Centre
de formation professionnelle Arts
appliqués) à Genève, Eikon EMF
(Ecole des Métiers – technique et
art – Fribourg) à Fribourg, ERACOM (Ecole romande d’arts et
communication) à Lausanne.
ce qu’ils ont fait, ce qui est dans
leur portfolio.
Cette formation sera-t-elle identique dans toutes les écoles ?
Nous avons la même ordonnance,
qui est faite pour une formation
duale. Eracom est la seule école
en Suisse romande qui forme déjà
des élèves en système dual et nous
allons regrouper les élèves en dual
de toute la Romandie, avec peutêtre une exception en Valais.
Combien d’élèves commencent
chaque année cette formation ?
Nous formons nous-mêmes 35
élèves en école. Pour cette année,
nous avons déjà clos les inscriptions. L’Eracom a une classe en
trois ans (pour les détenteurs d’une
maturité ou d’un certificat de
culture générale) et une en quatre
ans, dont deux stages de cinq
mois en entreprise. En outre, nous
allons ouvrir une classe duale,
vu que nous récupérons tous les
élèves de la Suisse romande. Là il y
a encore de la place. A Fribourg, il
y a aussi deux classes, à Genève et
La Chaux-de-Fonds une. Ce qui fait
pas mal de monde !
Le marché n’est-il pas saturé ?
Difficile à dire, mais c’est un métier
où il y a beaucoup de demandes et
un besoin en personnes formées
dans ce domaine. Pour le moment,
en tous les cas, ils trouvent assez
facilement un emploi. D’autres
poursuivent des études…
Les premiers emplois, ce sont plutôt
des stages ?
Nous constatons plutôt que soit
ils trouvent un emploi, soit ils se
Michaela Varin, graphiste, doyenne Concepteurs en multimédia à l’Eracom (Ecole romande
d’arts et communication), à Lausanne et très impliquée dans la mise en place de ce
nouveau CFC. Pierre Fantys, directeur de l’Eracom, nous a rejoints durant l’entretien.
photo Yves Sancey
Depuis déjà plus de dix ans, la
Suisse romande délivre un Certificat fédéral de capacité (CFC) de
concepteur en multimédia. Le succès a été croissant. Le nombre de
CFC annuels délivrés dans quatre
écoles est passé de 40 en 2004 à 80
en 2010 puis 115 en 2013 soit près de
750 en dix ans. L’obligation d’élaborer une ordonnance fédérale
pour cette formation régie jusquelà seulement par un règlement provisoire a conduit, après deux ans de
travaux en commission, à la création d’un CFC d’inter­active media
designer (designer en médias inter­
actifs).
Ce CFC était particulièrement
attendu en Suisse alémanique. En
effet, à l’heure de l’explosion de
l’internet, des applications, des
réseaux et des forums sociaux,
aucune formation multimédia certifiée par un CFC ne préparait les
jeunes à la publication d’images,
vidéos et sons sur les supports
de communication numériques
modernes (téléphones mobiles,
tablette, écrans, etc.). A peine
croyable. Cette formation y remédiera dès cet été.
Pour encadrer la profession, une
nouvelle association professionnelle a vu le jour le 16 janvier dernier à Berne : l’association Swiss
interactive media design (SIMD).
Elle regroupe les syndicats syndicom – représenté par Hans Kern
– et syna, l’Office paritaire de formation professionnelle (OPF) et
l’association patronale de l’industrie graphique Viscom. La SIMD
vise notamment le développement
de cette nouvelle formation et le
réseautage d’entreprises dans le
domaine des médias interactifs.
Nous avons rencontré Michaela
Varin, graphiste, doyenne Concepteurs en multimédia à l’Eracom
Le nouveau comité SIMD
se présente sur la photo,
accompagné de Peter
Theilkäs (secrétariat
SIMD) et Roger Spindler
(Schule für Gestaltung de
Berne et Bienne). On
reconnaît notamment
tout en haut à gauche
Thomas Gsponer
(directeur Viscom) à côté
de Hans Kern (responsable de la formation à
syndicom). En bas à
gauche, Michaela Varin
(Eracom) (photo LDD).
GI jeunes | 9
syndicom | N° 4 | 28 mars 2014
mettent à leur compte. Le phénomène des stages touche davantage
les graphistes. Les stages durant
la formation permettent de créer
un réseau professionnel qui aide à
trouver un poste après le CFC.
Au niveau des salaires, quelles
peuvent être les prétentions en sortant de cette formation ?
Pierre Fantys : C’est une palette
très large dans la mesure où c’est
un CFC. Ce ne sont pas des salaires
minimaux, mais certains doivent
encore se former. Parfois ce sont
des salaires de stagiaires. A partir du moment où ils sont formés,
qu’ils ont une spécialisation, ils
sont alors sur le marché concurrentiel. Dans ce domaine-là, pour
l’instant, il y a plus de demandes
que d’offres. Donc, ce n’est pas
trop un souci.
Cette formation est surtout une
grande nouveauté pour la Suisse
alémanique ?
Michaela Varin : En effet. Pour
l’instant, cette nouvelle formation
sera proposée à la rentrée à Bâle,
Saint-Gall et à Berne, mais uniquement en système dual. Cette formation sera sans doute aussi proposée dans un an à Zurich même si,
pour le moment, il n’y a pas encore
de décision.
Pierre Fantys : Avec la Suisse alémanique, cela prend une dimension nationale. Il y a une reconnaissance plus large avec une
possibilité de mettre davantage
en avant ces formations et les
réflexions autour de deux domaines
extrêmement dynamiques : la création autour des réseaux, des écrans
du web, des apps et tout ce qui est
digital publishing, et l’aspect audiovisuel, qui ne dispose aujourd’hui
que de cette formation initiale
alors que la Suisse offre un bouquet assez large de formations
supérieures au niveau des HES
notamment. Cela renforce une
offre unique en plein développement. C’est important que nous
nous soyons réunis autour de l’ordonnance et de l’association. L’industrie du web est encore très
jeune et c’est encore un peu le Far
West avec de très petites entreprises très volatiles, sans culture de
formation. Nous disposons maintenant d’un bon outil.
Interview : Yves Sancey, rédacteur
romand, et Patricia Alcaraz, secrétaire régionale médias (communication visuelle, presse et livre)
COMMENTAIRE
Je ferais tout pour apprendre
la profession de mes rêves !
La profession d’interactive media designer (concepteur / conceptrice en
multimédia) deviendra la profession de rêve de la communication visuelle.
Les concepteurs et conceptrices en multimédia élaborent essentiellement
sur l’écran des images statiques et animées, des textes, graphiques d’information, des séquences interactives et vidéos, ainsi que du 3D. Ils et elles
conçoivent et créent des moyens de communication interactifs tels que des
apps, bandes-annonces, sites internet, le tout en relation avec les médias
du futur. Les nouveaux médias ont des exigences aux antipodes des médias
imprimés. Les jeunes professionnels sont recherchés là où l’on produit des
médias numériques: dans les rédactions des radios et télévisions, dans
celles des médias qui se déclinent de plus en plus également en format
électronique et dans les agences web.
Le nouveau profil professionnel a été élaboré après deux ans de travail
intensif. En tant que l’une des organisations faîtières du profil professionnel, syndicom a investi beaucoup de temps et d’argent dans ce projet. Le
groupe de travail a profité des riches expériences des hautes écoles suisses
romandes, qui forment déjà depuis douze ans des concepteurs / conceptrices en multimédia à plein temps. En Suisse romande, 750 professionnels
ont obtenu le certificat fédéral de capacité. En Suisse alémanique, c’est
maintenant le tour des entreprises de formation actives dans le domaine
des médias interactifs de se réveiller. De mon côté, je ferais tout pour
apprendre une telle profession !
Hans Kern, membre du groupe de travail SIMD