Problématique des piqûres scorpioniques dans les

Problématique des piqûres scorpioniques dans les zones
sanitaires de Gao, Mali
1.
#
Coulibaly Sanou Khô MD
drpap75 at gmail dot com
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc ; Faculté de
Médecine et d'Odontostomatologie/Faculté de Pharmacie, Université de Bamako, Mali
2. H Hami MD
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
3. AI Maïga MD
Faculté de Pharmacie, Université de Bamako, Mali
4. R Soulaymani-Bencheikh MD
Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc ; Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université
Mohammed V, Rabat, Maroc
5. M Goyffon MD
UMR CNRS 7245, National Museum of Natural History, Paris, France
6. A Soulaymani MD
Laboratoire de Génétique et Biométrie, Faculté des Sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
Date
Citer comme
Licence
http://dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.628
2014-03-25
Research fr 2014;1:628
CC-BY
Résumé
L'objectif de notre travail était de donner une alerte par analyse et interprétation des données
issues de patients piqués par les scorpions dans la commune de Gao, chef lieu de région de
Gao, afin de diminuer la morbidité et la mortalité causées par les envenimations scorpioniques.
Ainsi, nous avons analysé 148 cas de piqures scorpioniques enregistrés entre janvier 2002 et
décembre 2009 à partir des registres et des fiches d'hospitalisation. Selon les résultats les
piqûres coïncident avec la période de grande chaleur particulièrement les mois d'Avril et Juin.
Toutes les tranches d'âge étaient touchées par cette affection avec une moyenne de 34 ± 12 ans.
Pour le temps post piqûre, 4 % ont pu consulter en moins d'une heure. D'autre part, 88% des
victimes sont passées par tradithérapie avant leur admission. Enfin, l'évolution était favorable
dans la plupart des cas avec un de létalité générale à 1 %.
English Abstract
The objective of this study was to provide an alert analysis and interpretation data from patients
bitten by scorpions in the town of Gao, capital of Gao Region, in order to reduce morbidity and
mortality caused by scorpion envenomation. Thus, we analyzed 148 cases of scorpion stings
recorded between January 2002 and December 2009 from records and hospital records.
According to results the bites coincides with period of greatest heat in particular the months of
April and June. All age groups were affected by this disease with a mean of 34 ± 12 years. Post
time for bite, 4% were able to visit in less than 1 hour. On the other hand, 88% of the victims went
through traditional therapy before admission. Finally, the outcome was favorable in most cases
with a general 1% lethality.
Introduction
L'envenimation scorpionique est un accident qui sévit à travers les cinq continents. La fréquence
et la morbi-mortalité qui lui est rattachée en font un problème de santé publique dans de
nombreux pays d'Afrique du nord, en Inde et au moyen orient.
Au Mali, dans les régions du nord, les piqûres et envenimations scorpioniques constituent une
menace pour la santé de la population complètement démunie. Des études auraient montré
qu'au Mali, il existe certaines espèces dangereuses pour l'homme, tel Leïurus quinquestriatus et
Androctonus amoreuxi [1] [2] [3]. La figure suivante, montre une nouvelle découverte de scorpion
jaune dangereuse, dans la commune urbaine du cercle de Gao.
[agrandir]
Figure 1. Scorpion jaune dans la commune urbaine du cercle de GAO, source : Moussa Sidibé, Médecin,
infirmerie garnison militaire, Gao, ([email protected])>
Identification : Max Goyffon : Androctonus amoreuxi
La présente étude vise à donner une alerte, en déterminant les caractéristiques épidémiologiques
des victimes de piqûres scorpioniques dans le cercle de Gao (7ème région administrative du
Mali) qui compte 239 853 habitants en 2009. Cette région est limitée au sud et à l'est par la
republique du Niger, au nord par la région de Kidal, à l'ouest par la région de Tombouctou. Elle
compte 4 forêts classées couvrant une superficie de 4 020 ha; une réserve partielle de faune
d'Ansongo Ménaka et deux zones d'intérêt cynégétique (Tidermène-Alata et Inékar) [4] [5]. La
figure suivante montre la région de Gao.
[agrandir]
Figure 2. Localisation géographique de la région de Gao, source : www.cartemali.com
Méthodes
Une étude rétrospective descriptive a été réalisée dans trois structures sanitaires de la commune
de Gao par dépouillement des dossiers d'hospitalisation et des registres de consultation de tous
les patients ayant été admis pour piqûres de scorpions durant la période allant de Janvier 2002 à
Décembre 2009. Les données ont été saisies sur le logiciel Excel et analysées sur SPSS 10.
Résultats et interprétations
Durant la période d'étude, cent quarante huit (148) patients admis pour piqûres des scorpions ont
été inclus. Le tableau suivant montre les caractéristiques de la population piquée au niveau des
zones sanitaires de la commune de Gao.
Caractéristiques
Effectifs Pourcentages (%)
Structure sanitaire (n = 148) Hôpital régional
Pic par mois (n = 148)
TPP (n = 129)
Période de piqûre (n = 140)
Age (n = 148)
Sexe (n = 148)
Evolution (n = 11)
28
19
C.S.Réf*
68
46
Inf. mil*
52
35
Avril
27
18
Juin
19
13
< 1h
5
4
1 - 2h
73
56
2 - 4h
40
31
> 4h
11
9
6 - 12h
39
28
12 - 18h
59
42
18 - 00h
36
26
00 – 6h
6
4
< 15 ans
7
5
≥ 15 ans
141
95
Masculin
132
89
Féminin
16
11
Favorable
10
91
Décès
1
9
Tableau I. caractéristiques de la population.
C.S.Réf*: Centre de Santé de Référence. Inf. mil*: Infirmerie militaire.
Les patients suivis ont été recrutés principalement au niveau de l'hôpital régional (19%), Centre
de Santé de Référence (46%) et de l'infirmerie militaire de Gao (35%).
Les piqûres étaient survenues durant les mois d'Avril et Juin (respectivement : 18% et 13%) et
entre 12h et 18h dans 42% aves un TPP (Temps Post-Piqûre) < 1h dans 4%, entre 1h et 2h dans
56%, entre 2h et 4h dans 31% et > 4h dans 9%.
Selon les résultats obtenus, l'âge moyen des victimes était de 34±12 ans dont 5% avaient moins
de 15ans et le sex-ratio (H/F) est de 8.
L'évolution était favorable dans la plupart des cas 91%.
Influence de certains facteurs sur l'évolution
Evolution en fonction du TPP
Selon le résultat de l'analyse, plus le délai d'admission était long (plus de 4h), plus l'évolution
était défavorable (un cas de décès au delà de 4h).
Comparaison entre les Années 2008 et 2009
Les données des piqûres scorpioniques en fonction des années sont mentionnées dans la figure
suivante.
[agrandir]
Figure 3. Répartition des victimes en fonction des années.
En comparant les données des Années 2008 - 2009 et grâce à la disponibilité des kits de 1ér
secours (Bétadine, Paracétamol, Lidocaïne, Métoclopramide, compresse, Cathéter, Seringue) les
structures de santé ont été plus fréquentées (respectivement 24% et 35%) dues à la prise de
conscience de la population. La figure suivante montre la répartition de la population piquée en
fonction du siège.
[agrandir]
Figure 4. Répartition de la population en fonction du siège des piqûres.
Selon notre analyse, 66% des cas de piqûre siégeaient au niveau du membre supérieur
(particulièrement les mains), 33% au Membre inférieur et 1% au niveau du tronc.
Discussion
Cette étude nous a permis d'avoir des informations sur le scorpionisme au niveau de la région de
Gao.
Dans notre série toutes les tranches d'âge étaient concernées par cette affection dont les plus
touchées étaient entre 14 et 44 ans avec une prédominance chez les adultes jeunes. Ceci
pouvait s'expliquer par le fait que la population du nord était généralement constituée de nomade
et que les piqûres de scorpion survenaient de façon accidentelle (en soulevant une pierre,
marches à pieds nus, scorpion caché dans les chaussures ou sacs). Nous rejoignons ainsi les
données de la littérature [2] [3] [6] [7] [8].
Selon nos analyses, les adultes ont été les plus touchés (95% des cas) et surtout les hommes
(89% des cas) en rapport avec les activités pédestres (en suivant les troupeaux, le
colportage,…). Nous rejoignons ainsi les données d'autres études qui montrent que les adultes
sont les plus touchés et surtout en rapport avec les promenades [2][3] [7] [8] [9] [10] [11].
Dans notre étude, la majorité des piqûres ont été enregistrées pendant les mois d'Avril et Juin où
la température pouvait atteindre un peu plus de 42°C au niveau de cette région aride.
D'autres études confirment que la plus part des piqûres ont lieu pendants les mois chaudes de
l'année et que ces bestioles (thermophiles) sont capables de survivre dans des conditions
climatiques très précaires [3] [7] [8] [11][12] [13] [14].
Contrairement aux données ontologiques qui montrent que le scorpion est un animal d'activité
nocturne [3] [7] [8][11] [12] [13] [14] [15] [16] [17], nos résultats montrent que, la plus part des
piqûres ont lieu au milieu de la journée et en début de soirée (42% des cas). Cela s'explique par
le fait que la plus part des victimes (bergers 35% des cas et ouvriers nomades 22% des cas) ont
été piqués au cours de leur activité journalières.
Dans cette étude, comme la plus part des publications, les piqûres siégeaient aux membres
supérieurs, prédominant au niveau des mains dans 66% des cas [2] [3] [6] [7] [8] [9] [11] [13] [18].
Les symptômes les plus marquants dans notre étude ont été les signes locaux dans tout les cas
(douleur, rougeur, œdème, fourmillement...) et les signes généraux dans 2 cas (Fièvre, nausée et
vomissement, hypertension, priapisme, convulsion).
Selon nos analyses et dans plusieurs autres études, les auteurs sont d'accord sur la
symptomatologie scorpionique [7] [8] [10] [11] [19] [20] [21].
Tous les auteurs s'accordent sur le fait que le retard de prise en charge constitue un élément de
mauvais pronostic, ainsi, dans notre étude, toutes les victimes ont bénéficié d'un traitement à
l'admission parmi lesquelles, 88% (soit 130 cas) ont suivi une tradithérapie avant leur admission.
Les patients qui ont consulté en moins de 2h (60% des cas) ont bien évolué alors qu'on observe
un cas décès après un TPP de plus de 4h. L'incidence annuelle était de 9,4 pour cent mille
habitant, tant disque le taux de létalité générale était de 1%. Le suivi post hospitalier a pu être fait
dans 10% des cas. Ce problème est confirmé par d'autres auteurs pour divers raisons (Coût de
déplacement, infrastructures sanitaires loin de la population) [3] [7] [9] [10] [22] [23].
Selon nos analyses, le nombre de cas élevé de consultation (24% et 35% des cas) des deux
dernières Années (2008-2009) s'explique par le réveil de conscience de la population et la mise à
disposition du Kit de premier secours dans les structures de santé.
D'autre étude ont montré que la sensibilisation de la population et du personnel soignant de
même que la disponibilité du traitement diminuent fortement la morbi-mortalité des piqûres de
scorpion [16] [21] [22] [23].
Conclusion
Les piqûres et envenimations scorpioniques sont une réalité au niveau de la commune de Gao
dû à la présence de certaines espèces probablement dangereuses. Le décès engendré est
vraisemblablement dû à l'une des espèces dangereuse qu'il convient de les déterminer. La
formation du personnel de santé sur la prise en charge, la détermination des stades de gravité,
des espèces (couleur, genre…) voire une large sensibilisation de la population sur des gestes
préventifs pourraient significativement diminuer la morbi-mortalité de ce problème.
Conflit d'intérêt : Aucun
Références
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
Goyffon M, Dabo A, Coulibaly SK, Togo G, Chippaux JP. Dangerous scoprpion fauna of Mali. The Journal of
Venomous Animals and Toxins including Tropical Diseases, 2012, 18(4): 361-368.
Goyffon M, Ayeb M EL : Epidémiologie du scorpionisme. Infotox, 2002, N°15.
Soulaymani-Bencheikh R, Faraj Z, Semlali I, Khattabi A, Skalli S, Benkirane R et al : Epidémiologie des
piqûres de scorpion au Maroc. Rev Epidemiol Santé publique 2002, 50 : 341-347.
Recensement général de la population et de l'habitat 2009. Institut national de la statistique, Bamako, Mali
2010.
République du Mali, Ministère de l'Environnement, Direction nationale de la conservation de la nature : Forêts
classés de Djidara, Zindiga, Baria, Mozonga. Rapport annuel d'activités 2007, Bamako, janvier 2008, annexe
1.
Soulaymani-Bencheikh R, Soulaymani A, Semlali I, Tamim OK, Zemrour F, Eloufir R, et al. Les piqûres et les
envenimations scorpioniques au niveau de la population de Khouribga (Maroc). Bull Soc Pathol Exot 2005 ; 98
: 36-40.
Goyffon M, Guette C : Scorpion dangereux du Niger. Bull Soc Pathol Exot 2005 ; 98 : 293-5.
Attamo H, Diawara NA, Garba A : Epidémiologie des envenimations scorpioniques dans le service de Pédiatrie
du CHD d'Agadez (Niger) en 1999. Bull Soc Pathol Exot 2002 ; 95(3) : 209-11.
Chippaux JP : Incidence et mortalité par animaux venimeux dans les pays tropicaux. Med Trop 2008 ; 68(4) :
334-339.
Bouaziz M, Ben Hamida C, Chelly H, Rekik N, Jeddi HM. L'envenimation scorpionique: étude épidémiologique,
clinique et éléments de pronostic. In Envenimations. Paris, Arnette 1996 : 11-35.
Hmimou R, Soulaymani A, Mokhtari A, Arfaoui A, El Oufir R, Semlali I et al : Risk factors caused by scorpion
stings and envenomation in the province of Kelaa Des Sraghna (Morocco). J. Venom. Anim. Toxins incl. Trop.
Dis. 2008; 14(4): 628-640.
Elatrous S, Besbes-Ouanes L, Fekih Hassen M, Ayed S, Abroug F. Les envenimations scorpioniques graves.
Med Trop. 2008; 68: 359-366.
Broglio N, Goyffon M : Les accidents d'envenimation scorpionique. Conc Med 1980 ; 38 : 5615-22.
Nouira S, Haguiga H, Elatrous S, Abroug F : Facteurs prédictifs de l'hospitalisation chez les victimes de
piqûres de scorpion. Réanim. Urgences, 1999 ; 8 suppl.3, P. 123s.
Charrab N, Semlali I, Soulaymani A, Mokhtari A, El oufir R, Soulaymani bencheikh R : Les caractéristiques
épidémiologiques du scorpionisme dans la province de Beni Mellal (2002-2004). Reviews in Biology and
Biotechnology 2007 ; 6(2) : 36-39.
El oufir R, Semlali I, Idrissi M, Soulaymani A, Benlarabi S, Khattabi A et al : Scorpion stings. A public health
problem in El Kelaa Des Sraghna (Morocco). J. Venom. Anim. Toxins incl. Trop. Dis. 2008; 14(2): 258-273.
Touloun O, Slimani T, Boumezzouch A: Epidemiologycal survey of scorpion envenomation in southwestern
Morocco. J. Venom. Anim. Toxins 2007; 7(2): 199-218.
Champetier de Ribes G : Envenimation scorpionique. Annales de pédiatrie (Paris) 1985 ; 32(4) : 399-404.
Goyffon M : Le scorpionisme en Afrique sub-saharienne. Bull. Soc. Pathol. Exot 2002 ; 96 (3) : 191.
Soulaymani Bencheikh R, Idrissi M, Tamim O, Semlali I, Mokhtari A, Tayebi M et al: scorpion stings in one
province of Morocco. Epidemiologycal, clinical and prognosis aspects. J. Venom. Anim. Toxins incl. Trop. Dis.
2007; 13(2): 462-471.
Charrab N, Soulaymani R, Mokhtari A, Semlali I, El oufir R, Soulaymani A : Situation épidémiologique des
envenimations scorpioniques dans la province de Beni Mellal. Santé Publique 2009 ; 21(4) : 393-401.
Soulaymani Bencheikh R, El oufir R : Stratégie nationale de lutte contre les piqûres et les envenimations
scorpioniques. Dossier spécial. Toxicologie Maroc 2009, N°2. p. 3-9.
Comportement rationnel face aux piqûres et envenimations scorpioniques. CAPM/ Livret relais 3/05. Protars III
D 63/13.
ISSN : 2334-1009