SUISSE jeudi 12 juin 2014 PAGE 3 SUISSE Cinq ans d’un modèle novateur PÂRIS BERTRAND STURDZA. Le plus récent des établissements genevois gère plus de trois milliards. En avance sur ses prévisions. SÉBASTIEN RUCHE Après cinq ans d’existence, la banque Pâris Bertrand Sturdza (PBS) a dépassé le cap des trois milliards d’actifs sous gestion, pour une trentaine d’employés. Retour sur le développement d’une des plus récentes banques genevoises, qui a fait le pari novateur à l’époque de ne servir que des clients en règle sur le plan fiscal et avec une gestion indépendante en architecture totalement ouverte. Cinq ans plus tard, les objectifs initiaux sont dépassés. A l’automne 2008, Pierre Pâris et Olivier Bertrand quittent leur poste de managing directors chez UBS avec un objectif clair: créer une banque suisse qui servira uniquement des clients en règle sur le plan fiscal, avec une gestion indépendante, en architecture ouverte et basée sur le conseil (et non pas sur la distribution de produits), un back office sous-traité et une politique tarifaire totalement transparente. Une rupture claire avec le modèle historique de la gestion privée suisse. Leur dossier est déposé fin janvier à la Finma, quelques semaines avant que le Conseil fédéral ne décide d’assouplir le secret bancaire, le 13 mars. PBS obtient sa licence bancaire en avril 2009, en trois petits mois. Un record de précocité qui s’explique probablement autant par l’originalité du business model que par les personnalités impliquées, dans le contexte très particulier de l’époque. Les deux hommes s’associent avec Eric Sturdza. L’actuel président et actionnaire principal de Baring Brothers Sturdza a toujours voulu que son établissement conserve une taille limitée, tout en étant disposé à co-investir dans une nouvelle structure conforme à sa vision de la gestion privée. Le quatrième associé fondateur sera Raphaël Jacquet, ancien senior partner de KPMG. Cinq ans plus tard, le choix de cette stratégie paraît payant et évident. L’ensemble de la place financière s’est orientée vers la régularisation du passé et refuse dorénavant les nouveaux clients non conformes fiscalement. Ce n’était pas forcément le cas à l’époque. «Ne pas avoir à gérer le poids du passé s’est révélé être un avantage considérable pour le développement de notre banque», analyse Olivier Bertrand, quadra d’origine belge passé notamment par PwC et la banque Degroof. Avec trois gérants (dont Pierre Pâris et Olivier Bertrand) et un responsable de l’opérationnel, la banque affiche à son lancement un peu plus de 500 millions sous gestion, «sans clients sponsors ni clients dans le capital». Cette masse a ensuite doublé chaque année au cours des trois premiers exercices, grâce à une croissance purement organique. La structure a atteint l’équilibre financier après moins de trois ans d’existence. En avance par rapport à son business plan, pourtant OLIVIER BERTRAND. L’un des associés fondateurs revient sur le développement de BPS depuis cinq ans. qualifié d’ambitieux à l’époque par la Finma: «nous avions prévu d’atteindre le break even entre les années 4 et 5. Nous pensions aussi que la masse sous gestion s’élèverait à deux milliards de francs après cinq ans, et que notre rentabilité serait inférieure à ce qu’elle est actuellement», poursuit l’ancien managing director et responsable des investissements de Citigroup pour la Suisse. La clientèle privée actuelle est majoritairement originaire des marchés cibles identifiés à l’origine : la Suisse et l’Europe au sens large, y compris le marché des «resident non dom» britanniques. Environ deux tiers des clients sont des « Ultra High Net Worth Individuals» et l’autre tiers des clients affichent entre un et cinq millions. Les marchés classiques du private banking comme le Moyen-Orient et l’Asie seront abordés «uniquement si nous trouvons la ou les bonnes personnes pour les développer. De manière générale, nous avons le luxe de n’avoir aucune pression et donc d’avoir le temps. Nous ne nous précipitons pas dans de nouveaux projets. Nous rencontrons beaucoup de profils, mais nous engageons deux ou trois collaborateurs par an ou même aucun si c’est la meilleure solution». Pour se différencier sur le marché, PBS mise notamment sur des club deals (des opérations de private equity auxquelles les clients auraient difficilement accès ailleurs). Cette logique l’a également amenée à lancer une activité de conseil en private equity. Au cours de ces cinq années, la banque a également développé une activité institutionnelle, qui représente environ le tiers de la masse sous gestion. Par ailleurs, un premier fonds souverain est récemment devenu client. Autre étape importante du développement de la banque, en septembre 2012, PBS a décidé de proposer sa gestion discrétionnaire diversifiée et dynamique sous forme d’un fonds UCITS IV - PBS Smart Portfolio, qui compte actuellement quelque 350 millions d’actifs sous gestion et figure dans le top quartile de l’univers de la gestion diversifiée. Un nouveau responsable vient d’être engagé récemment afin de développer davantage cette activité. C’est également en 2012 que la banque a accueilli un nouveau président du Conseil, Georges Gagnebin, l’ancien directeur général d’UBS Wealth Management et ex-vice-président de Julius Baer. Le capital a par ailleurs été ouvert à six collaborateurs. Une possibilité «unique mais qui n’est jamais offerte dès le recrutement d’un employé, elle doit s’obtenir au mérite, en démontrant son expertise». Et qu’est-ce que PBS n’a pas fait, en ciqn ans ? Des acquisitions, tout d’abord. Des discussions ont eu lieu, mais sans accord final, faute de correspondre au modèle d’affaires de PBS. Des opérations restent cependant possibles à l’avenir. Le projet d’ouvrir un bureau à Zurich n’a pas été concrétisé, là encore pour n’avoir pas trouvé l’équipe idéale. En revanche, l’im- plantation au Luxembourg pourrait se concrétiser prochainement. En cours de réflexion depuis deux ans, c’est le plus important projet d’expansion de PBS. Une société de gestion détenue majoritairement par la banque genevoise devrait être fondée dès que le processus d’autorisation officiel aura été finalisé, probablement début 2015. «L’intérêt est, entre autre, d’obtenir le passeport européen. Nous avons hésité avec Londres, mais le Luxembourg offre davantage de flexibilité. Londres reste cependant un projet à moyen terme». Pâris Bertrand Sturdza entre maintenant dans une nouvelle étape de son existence, qui devrait l’amener à se faire moins discrète que par le passé. L’établissement réfléchit à des actions marketing ciblées. Elle s’est déjà impliquée dans la voile lémanique; un bateau, avec à son bord Olivier Bertrand, défendra d’ailleurs ses couleurs lors du prochain Bol d’Or. LA LICENCE BANCAIRE A ÉTÉ OBTENUE TROIS MOIS APRÈS LE DÉPÔT DU DOSSIER. PROBABLEMENT UN RECORD DE RAPIDITÉ.
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