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CAS CLINIQUE
Boiterie révélatrice d’un syndrome de Shulman
Shulman syndrome revealed by limping
Chafia Dahou-Makhloufi1,2, Hayet Gharbi2, Meriem Beggar1,2
1. Faculté de Médecine,
Université Alger 1, Alger –
Algérie
2. Service de Rhumatologie, CHU
Bab El Oued, Alger – Algérie
_____________________________________
Correspondance à :
Pr. Chafia DAHOU-MAKHLOUFI
[email protected]
RÉSUMÉ
ABSTRACT
Les auteurs rapportent une nouvelle
observation de syndrome de Shulman révélé
par une boiterie chez une patiente âgée de 42
ans. L’état général est conservé, l’examen de la
hanche gauche note une limitation de tous les
mouvements. L’examen cutané avait révélé une
induration sous cutanée, sclérodermiforme
siégeant au niveau de la cuisse gauche. Il n’y
avait pas de sclérodactylie, de phénomène de
Raynaud ni de calcinose sous-cutanée. Le reste
de l’examen somatique est sans particularités.
The Authors report a new case of Shulman
syndrome revealed by limping in a 42-years old
patient. General condition was normal; on
examination all movements of the left hip were
limited. Cutaneous examination revealed a
scleroderma-like subcutaneous induration on
the left thigh. There was no sclerodactyly and
no subcutaneous calcinosis. The rest of the
physical examination was normal.
Mots clés : fasciite à éosinophiles, boiterie,
syndrome de Shulman.
Keywords: eosinophilic fasciitis, lameness,
Shulman’s syndrome.
‫ملخص‬
‫ و‬،‫ وضعها العام كان عاديا‬.‫ عاما‬42 ‫يقدم المألفون تقريرا عن متالزمة شولمان تم الكشف عنها بسبب حدوث عرج عند امراة تبلغ من العمر‬
‫ وكشف الفحص الجلدي عن وجود تصلب تحت الجلد في الفخذ‬.‫الكن فحص وركها األيسرسجل وجود قيود على جميع اإلتجاهات الحركية‬
‫ ما تبقى من الفحص البدني كان عاديا‬.‫ أو ظاهرة رينود أوكالس تحت الجلد‬،‫ لم يكن هناك تصلب لألصابع‬.‫األيسر‬
INTRODUCTION
La fasciite à éosinophiles (FE) ou syndrome de
Shulman est une maladie rare, d'étiologie
inconnue et de pathogénie multifactorielle. Elle
se caractérise par l'association d'une
induration des tissus sous-cutanés profonds,
d'une hyperéosinophillie sanguine et d’un
épaississement avec infiltration des fascias
musculaires [1,2]. Certaines formes cliniques
sont
particulières,
les
manifestations
articulaires sont fréquentes et les articulations
concernées sont généralement les mains, les
poignets et les genoux. Nous rapportons
l’observation d’un syndrome de Shulman révélé
par une atteinte de la hanche.
OBSERVATION
Pour citer l’article :
Dahou-Makhloufi C, Gharbi
H, Beggar M. Boiterie
révélatrice d’un syndrome
de Shulman. Batna J Med
Sci 2014;1:133-135.
Mme K.N, âgée de 42 ans, a consulté pour
douleur inguinale gauche d’installation
progressive et sans facteur déclenchant
évoluant depuis huit ans. La douleur était de
type inflammatoire, d’intensité modérée,
irradiant vers la face antérieure de la cuisse et
s’accompagnant d’une boiterie limitant le
périmètre de marche à 50 mètres. Cette
symptomatologie a évolué dans un contexte de
bon état général (pas de fièvre, pas
d’amaigrissement), sans de notion de contage.
……
Dahou-Makhloufi C, et al. Batna J Med Sci 2014;1:133-135
Pas de notion de lombalgie inflammatoire. Pas
de notion d’œil rouge douloureux, ni de doigt
ou orteil en saucisse, ni de talalgies. Pas de
notion de psoriasis cutané ou unguéal, ni
d’entérocolopathie inflammatoire. Pas de
notion de contage. Pas de phénomène de
Raynaud.
Pas
de
notion
de
prise
médicamenteuse. Dans les antécédents on a
relevé l’existence d’une hypothyroïdie traitée
par lévothyrox*.
A l’examen clinique, l’état général était
conservé, l’examen de la hanche gauche notait
une limitation de tous les mouvements :
flexion 50°, Abduction 30°, Adduction 25°,
Rotation interne 30°, rotation externe 0°. Les
mouvements de la hanche droite étaient libres
et indolores. L’examen des genoux a noté un
flessum réductible à 10° à gauche et une
limitation de la flexion. L’examen du genou
droit était normal. On notait une scoliose à
convexité gauche. L’examen cutané révélait
une induration sous-cutanée, sclérodermiforme
siégeant au niveau de la cuisse gauche (tiers
antéro-inférieur et tiers supéro-externe de la
cuisse gauche), douloureuse à la palpation,
adhérant au plan profond et sans signes
inflammatoires locaux (figure 1). Il n’y avait pas
de sclérodactylie, ni de calcinose sous-cutanée.
Le reste de l’examen somatique était sans
particularités. Sur le plan biologique, la vitesse
…
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CAS CLINIQUE
de sédimentation (VS) était à 15 mm à la première heure, la C
Reactive Protein CRP) était négative. La formule numération
sanguine était sans anomalies (GB : 7,1x103 elt/mm3,
équilibre leucocytaire conservé, pas d’hyper éosinophilie (PE
à 2%). GR : 3,84x106 el/mm3, HB: 14,8 g/dl, VGM: 87 fl,
CCMH : 35,4 g/dl, plaquettes = 237.000/mm. Bilan
immunologique : les facteurs antinucléaires étaient négatifs,
le facteur rhumatoïde était négatif. La glycémie, le bilan rénal,
phosphocalcique, transaminases ainsi que les enzymes
musculaires étaient sans anomalies.
infiltration
inflammatoire
lympho-histiocytaire
sans
éosinophiles à disposition périvasculaire. L’épiderme était
irrégulièrement aminci à corps muqueux de Malpighi. Le
derme était le siège d’une densification hyaline éosinophile
avec densification du derme moyen et profond. Infiltration
inflammatoire lympho-histiocytaire à disposition périvasculaire. Hypoderme sans altération lésionnelle.
A
Figure 2. Radiographie du bassin de face. Absence d’érosions
ostéocartilagineuses.
Devant l’ensemble de ces signes et l’absence de prise de
médicamenteuse ou d’aliments contenant le L-Tryptophane
ainsi que l’absence de signes de sclérodermie, le diagnostic de
syndrome de Shulman a été retenu.
B
Figure 1. a et b. Induration sous cutanée, sclérodermiforme de
l’extrémité inférieure de la cuisse gauche.
La radiographie du bassin de face (figure 2) était normale.
L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) des hanches
(figure 3) confirmait l’absence de synovite, il n’y avait pas de
collection liquidienne et pas d’infiltration des parties molles.
L’IRM de la cuisse gauche était normale.
La
biopsie
cutanéo-fascio-musculaire
avec
étude
histologique a mis en évidence un derme fibrosé et une
…………
Dahou-Makhloufi C, et al. Batna J Med Sci 2014;1:133-135
Figure 3. Imagerie par résonnance magnétique des hanches. Pas de
synovite, de collection liquidienne ou d’infiltration des parties molles.
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CAS CLINIQUE
DISCUSSION
Décrite pour la première fois en 1974 [1], la fasciite à
éosinophiles ou syndrome de Shulman est un syndrome rare
caractérisé par une fasciite diffuse et une éosinophilie
sanguine pouvant survenir à tout âge, principalement chez
l’adulte de la quarantaine [1,2]. La physiopathologie n’est pas
clairement identifiée, mais serait multifactorielle, mettant en
jeu des facteurs génétiques, environnementaux et
cytokiniques. Le début est souvent rapide, survenant parfois
après un effort physique intense, ce qui n’a pas été relevé
chez notre patiente.
Les formes cliniques de maladie de Shulman rapportées dans
la littérature sont variables [3-6]. Contrairement aux
observations rapportées, où l’atteinte cutanée représente très
souvent le motif de consultation, notre observation est
particulière, par la boiterie révélatrice simulant un tableau de
coxopathie. Cette atteinte a fait discuter plusieurs
pathologies,
notamment
une
coxite
infectieuse ou
rhumatismale, écartée devant l’absence de contexte
infectieux, de notion de contage, la normalité des examens
immunologiques et radiologiques. L’atteinte cutanée a fait
évoquer la sclérodermie systémique, mais cette éventualité
n’a pas été retenue devant l’absence de sclérodactylie, de
dysphagie, de phénomène de Raynaud et devant la négativité
du bilan immunologique (anti centromère, Antitopoisomérase).
Plusieurs diagnostics doivent être discutés devant des
indurations cutanées, notamment le syndrome éosinophiliemyalgie après l'ingestion de L-tryprophane, le syndrome
hyper-éosinophilie, la sclérodermie localisée et le scléromyxoedème [1, 2, 6]. Une dermatopolymyosite a été
également exclue devant l’absence de faiblesse musculaire et
la normalité des enzymes musculaires.
Le diagnostic de syndrome de Shulman a été évoqué devant
l’induration cutanée avec enraidissement articulaire de
l’articulation adjacente. Selon les données de la littérature,
l’hyperéosinophilie sanguine est presque constante. Mais elle
manque chez notre patiente car il s’agit d’une forme évoluée,
comme cela a été souligné par certains auteurs [5]. L’étude
histologique permet d’établir avec certitude le diagnostic de
fasciite de Shulman. La biopsie doit être profonde, cutanéofascio-musculaire en un seul bloc au niveau de la zone
indurée comportant un important épaississement du fascia
par prolifération et hypertrophie des fibres collagènes avec
infiltration inflammatoire.
Cette affection peut rarement se compliquer d’atteintes
hématologiques comme l’aplasie médullaire [6], notre
patiente ne présente pas d’atteinte viscérale grave ou
hématologique. L’association avec des maladies autoimmunes est rapportée au cours du syndrome de Shulman et
des cas de thyroïdite de Hashimoto et de maladie de Basedow
ont été rapportés [7]. Notre patiente
présente une
hypothyroïdie.
En raison de la rareté de la maladie, il n'existe aucune
stratégie thérapeutique consensuelle. Toutefois, le traitement
de la fasciite à éosinophiles repose sur la corticothérapie à la
dose de 0,5 à 1 mg/kg par jour. La guérison peut être longue
allant de deux à quatre ans et les récidives sont possibles. En
cas d’échec des corticoïdes, certains traitements ont été
utilisés, comme la cimétidine, l’hydroxychloroquine, le
méthotrexate, la cyclosporine et le cyclophosphamide. Des
auteurs rapportent l’efficacité des immunoglobulines
intraveineuses [8]. Notre patiente a été traitée par une
corticothérapie, elle a également bénéficié d’un traitement à
…
Dahou-Makhloufi C, et al. Batna J Med Sci 2014;1:133-135
base de méthotrexate mais sans amélioration notable. En
revanche, en accord avec les données de la littérature des
séances de rééducation fonctionnelles ont été bénéfiques [9].
Le syndrome de Shulman est rare, il est bien caractérisé sur
le plan clinique et histologique, mais révélé par une atteinte
de la hanche, le diagnostic peut s’avérer difficile. La
corticothérapie est inconstamment efficace.
Déclaration d’intérêts : les auteurs ne déclarent aucun
conflit d’intérêt en rapport avec cet article.
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